La préfabrication peut être définie comme une technique de construction dans laquelle certains éléments du bâtiment sont fabriqués à l’avance, hors-site. S’ils sont de plus réalisés en série grâce à des techniques industrielles, on parle alors d’industrialisation du bâtiment. Selon l’architecte et historien suisse Franz Graf, « le XXe aura été le siècle de l’industrialisation et de la préfabrication de l’architecture, tant sous la forme d’expérimentations locales inabouties, que sous celle de procédés diffusés à l’échelle planétaire. (…) Industrialisation et préfabrication ont représenté jusqu’aux années 1980 tout autant une approche scientifique du projet d’architecture, un engagement dans le devenir d’une société industrielle élargie, qu’un moyen pragmatique de répondre efficacement à la pénurie chronique de constructions qui a caractérisé une grande partie du siècle passé. »
L’ère industrielle, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, a profondément bouleversé la démographie et la répartition de la population sur le territoire. La construction d’un nombre exponentiel de bâtiments est nécessaire pour répondre à la croissance démographique et aux mouvements de concentration urbaine de la population. Dès les premières décennies du XXe siècle, l’application des principes de la fabrication en série à la construction est envisagée comme une solution pertinente par des architectes et des constructeurs innovants. Le modèle de l’industrie automobile inspire de nombreuses recherches ; il est admiré et revendiqué par des pionniers du domaine comme Le Corbusier. Durant l’entre-deux-guerres, l’industrialisation consiste essentiellement en expériences avant-gardistes. Après la Seconde Guerre mondiale, elle s’impose progressivement jusqu’à être mise en œuvre sur de vastes territoires.
La Lorraine représente un territoire particulièrement riche en matière d’expériences dans le domaine de l’industrialisation de l’architecture. D’une part, grâce à l’importante activité industrielle et notamment sidérurgique, les sources de matière première sont disponibles sur place. D’autre part, cette région marquée par les destructions des deux conflits mondiaux doit être à deux reprises reconstruite rapidement, ce qui conduit les pouvoirs publics, les architectes et les constructeurs à s’y intéresser. Les Immeubles de la Reconstruction à Saint-Dié-des-Vosges en sont un exemple. C’est dans ce contexte que l’un des plus grands spécialistes de l’industrialisation, Jean Prouvé, aujourd’hui reconnu à l’échelle mondiale, développe des systèmes de fabrication en série dans ses ateliers de Maxéville, près de Nancy. La région Lorraine reste marquée par un certain nombre de ses réalisations, notamment l’Église du Christ-Roi de Bellevue à Forbach, l’ancienne école de Vantoux, sa maison personnelle à Nancy et la maison de sa fille à Saint-Dié-des-Vosges.
Les recherches en matière d’industrialisation portent en particulier sur le logement, individuel ou collectif, dont la pénurie se fait le plus vivement ressentir. Le désir de concevoir l’habitat comme un produit industriel moderne, fonctionnel et sain, susceptible d’être produit rapidement et en quantité suffisante pour répondre aux multiples besoins de la population, donne ainsi lieu à nombre d’expérimentations, diversifiant et renouvelant les typologies d’habitat traditionnelles. Quantité d’édifices lorrains restent aujourd’hui les témoins de cette période de l’histoire, qu’il s’agisse de grands ensembles comme le Haut-du-Lièvre à Nancy et la ZUP de Borny à Metz, ou de maisons individuelles produites en série, comme à Vandœuvre-lès-Nancy, Creutzwald ou Fameck. Elles illustrent une démarche de conception où la recherche et l’innovation portaient autant sur les objets finaux que sur les processus de production.
COLEY Catherine, Archives Modernes de l’Architecture Lorraine (Nancy), Jean Prouvé en Lorraine, Nancy : Presses Universitaires, 1990.
DELEMONTEY Yvan & GRAF Franz, Architecture industrialisée et préfabriquée : connaissance et sauvegarde, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.
GUIDOT Raymond, Centre de création industrielle (Paris), Architecture et industrie : passé et avenir d'un mariage de raison, Paris : Edition Centre Georges Pompidou, 1983.
Crédit photo : Julian Pierre/CAUE 57 © URCAUE Lorraine