La Lorraine a été fortement marquée au cours du XXe siècle par les deux guerres mondiales. Les destructions de la Première Guerre concernent essentiellement des territoires ruraux, ce dont témoigne indirectement la villa Teinturier à Laheycourt. Celles du second conflit touchent également les villes, considérées comme des objectifs stratégiques voués à être détruits, à l’image de Saint-Dié-des-Vosges.
Au sortir de la guerre, l’estimation des dégâts, première étape vers la reconstruction, se révèle lente et difficile dans un pays complètement désorganisé et aux traumatismes multiples. La nature des destructions est extrêmement variée : dans certains cas, ce sont des édifices isolés, dans d’autres, il s’agit de groupes d’immeubles ou des quartiers entiers, comme l'Ensemble Fort Moselle à Metz. Parfois, des villages complets sont à reconstruire, tels ceux de Brû, Jeanménil et Moyenvic.
Face à l’ampleur de la tâche, une administration d’importance majeure est créée : le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Il édicte les règles générales au niveau national tandis que chaque ville sinistrée doit désigner un urbaniste en chef et un architecte en chef. Il s’agit d’une nouvelle forme de maîtrise d’ouvrage où l’État, plutôt que la ville, occupe une place prépondérante.
À partir de 1945, les premiers grands chantiers de reconstruction débutent en privilégiant les réfections de routes, ponts, usines et chemins de fer. La Gare d'Epinal en est un exemple. Dans cette logique, les villes industrielles, les ports et les carrefours de communication bénéficient en priorité des financements publics au détriment des centres administratifs et des petites villes. Les architectes tirent avantage de ces travaux d’envergure pour recomposer les lieux et travaillent souvent à partir des plans d’extension et d’embellissement des années 1920, rendus obligatoires après la Première Guerre pour les villes sinistrées et celles de plus de 10 000 habitants.
Ces vastes chantiers soutenus par des crédits étrangers, américains notamment, vont relancer l’économie française comme celle de la majorité des pays industrialisés. Ainsi, la Seconde Reconstruction marque le début des Trente Glorieuses (1945-1975), période de forte croissance économique et démographique. Ces trente années sont également marquées par des changements sociaux majeurs. Dans le domaine urbain et architectural, la période est propice à une large diffusion de nouveaux modèles. Les architectes, associés aux pouvoirs publics, saisissent l’opportunité pour faire bénéficier des qualités de l'architecture moderne théorisées dans les années 1920-1930 à l'ensemble de la population. C’est notamment le cas d’écoles à Vantoux ou à Verdun, ou encore de l’hôtel de ville de Corcieux. Cette période est également celle de la construction de nombreux grands ensembles. Nancy connaît le chantier du Haut-du-Lièvre et Metz, celui de la ZUP de Borny.
Associé à la montée de la critique des grands ensembles et de l’architecture moderne, le choc pétrolier de 1973 amorce la fin des Trente Glorieuses.
ABRAM Joseph, L’architecture moderne en France, Tome 2 : Du chaos à la croissance, 1940-1966, Paris : Picard, 1999.
VOLDMAN Danièle, La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954 : histoire d’une politique, Paris : l’Harmattan, 1997.
Les Reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine, un renouveau architectural et urbain, Nancy : Union Régionale des CAUE de Lorraine, La Gazette Lorraine, 2011.
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