Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale émerge en France un mouvement de renouveau de l’architecture religieuse, sous l’impulsion d’un clergé soucieux de repositionner l’Église au cœur de la création contemporaine. S’appuyant sur une liturgie réformée, la communauté religieuse s’engage dans l’édification de nouveaux lieux de culte : ces programmes de construction sont l’occasion de concevoir des formes audacieuses, permises par l’emploi de techniques constructives innovantes. Celles-ci déclinent la mise en œuvre du béton sous des formes armées, modulaires (agglomérées par panneaux, par exemple), ou associées au bois lamellé-collé des charpentes. Ces formes ont principalement recours à des techniques de préfabrication, comme le décrit l’article Recherche et innovation : l’industrialisation de l’architecture. Dans cet élan de construction, deux dynamiques semblent émerger, s’orientant soit vers la reconstruction, soit vers l’édification. La première s’attache à la reconstruction proprement dite des édifices détruits durant le conflit. C’est le cas notamment à Saulcy-sur-Meurthe et à Boust. La seconde s’oriente vers l’édification d’édifices cultuels dans les nouveaux quartiers construits le plus souvent à la périphérie des grandes villes, à l’image de l’Eglise Saint-Paul d’Épinal ou l’Eglise Sainte Jeanne-d'Arc de Verdun.
Au sortir de la guerre, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) recense environ quatre mille églises détruites ou endommagées, dont environ cinq cents en Lorraine. Les chantiers de reconstruction, qui se concentrent majoritairement dans la décennie 1950, constituent un champ d'expérimentation inédit pour toute une génération d'architectes, dont Émile Aillaud, Pingusson, Jean Prouvé ou encore Roger Henri Expert. Conscient de l'évolution des mentalités, le clergé joue un rôle moteur dans ce renouvellement formel et architectural. Se distingue ici l’action de l’abbé Etienne Aubry à Lunéville, et du père Rayssiguier à Beaulieu-en-Argonne. Dans ce processus de reconstruction, les architectes doivent également répondre aux exigences de divers acteurs (le maire, le clergé, les représentants locaux du MRU, etc.), tout en respectant les limites budgétaires imposées par les coopératives de reconstruction des églises sinistrées. Les recherches en matière d’architecture religieuse prennent des formes variées durant cette période : à Villey-le-Sec et Jeanménil, les églises s’inspirent du style traditionnel dans une écriture épurée, tandis qu’à Moyenvic s’affiche une expression résolument moderne.
En outre, le paysage urbain des diocèses lorrains au cours de la seconde moitié du XXe siècle connaît de profondes transformations. L'exode rural, l'un des principaux facteurs de ces modifications, entraîne un afflux de population dans les zones périurbaines. De nouveaux ensembles de logements voient le jour principalement dans les années 1960-1970, tant pour faire face à l'insalubrité du parc immobilier que pour répondre à l'accroissement démographique. Le quartier des Provinces à Laxou illustre ce phénomène. En réaction, les diocèses doivent alors repenser l'organisation de leurs paroisses et leurs choix d’implantation des lieux de culte. Leur insertion privilégie autant que possible une localisation au centre du quartier afin de conforter l’intérêt des fidèles, comme l’illustre l’Eglise Notre-Dame du Wiesberg à Forbach. Tirant avantage de l’emploi de formes architecturales novatrices, les églises sont conçues comme des éléments de repères urbains afin de faciliter leur identification dans leur environnement bâti. C’est ainsi qu’est conçu le groupe paroissial Saint-Michel de Saint-Max, dont la volumétrie sobre et particulière se distingue de l’ensemble d’habitations composant le quartier où il est implanté. Cette période voit également se multiplier les églises catholiques de plan centré construites, pour les unes, sur un plan circulaire, telle Notre-Dame-des-Pauvres à Nancy ou ovale, à l’image de l’Eglise Saint-François d'Assise de Vandœuvre-lès-Nancy, et pour les autres, sur un plan carré comme l’Eglise Notre-Dame du Rosaire (Forbach) et l’Eglise Sainte-Anne (Nancy). L’église circulaire ou polygonale apparaît en effet aux yeux des élites chrétiennes comme le parti le mieux adapté aux nouvelles exigences du culte, assurant d’une part une visibilité optimale de l’action liturgique et évitant, d’autre part, l’éloignement des fidèles par rapport à l’autel qu’imposait un plan basilical ou en croix latine.
Les réflexions menées dans les diocèses de France concernant la question du plan centré sont entérinées par le Concile Vatican II (1962-1965), dont la vocation est d’inciter les fidèles à participer aux célébrations liturgiques.
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Crédit photo : Lucile Pierron/LHAC/ENSA Nancy © URCAUE Lorraine